Brésil : l'économie inquiète
Deux ans après son retour à la tête du pays, le président brésilien Lula fait face à une situation complexe sur le plan économique. Plusieurs indicateurs sont sources d’inquiétudes pour les investisseurs et analystes, en premier lieu celui du déficit.
Le pays enregistre en effet une augmentation significative de son déficit budgétaire, atteignant presque 10% du PIB en juin dernier, contre 3,10% en 2022. Un chiffre parmi les plus élevés du monde. Cette tendance est largement liée à l’augmentation des dépenses publiques par le gouvernement de Lula et sa réticence à amorcer des coupes budgétaires.
Depuis 2022, Lula a augmenté les dépenses sociales, procédé à une revalorisation du salaire minimum et engagé d’importants investissements dans les infrastructures et les travaux publics. Le président s’était pourtant fixé certains objectifs ambitieux pour réduire l’endettement public il y a un an. Néanmoins ces objectifs ont récemment été revus à la baisse.
La situation génère de plus en plus de méfiance parmi les investisseurs, qui ont des doutes sur la capacité du gouvernement brésilien à pouvoir stabiliser les dépenses budgétaires. Par conséquent, la monnaie brésilienne s’est fortement dépréciée ces dernières semaines atteignant 5,75 reais pour 1 dollar, soit son plus bas niveau depuis le printemps 2020. Déjà fin juin, le real avait atteint son plus bas niveau depuis janvier 2023. Fernando Haddad, ministre de l’économie, avait alors annoncé une coupe budgétaire de 4 milliards d’euros, permettant de stopper l’hémorragie et d’envoyer un signe positif aux investisseurs.
Malgré cela, la situation ne semble pas s’être arrangée. Six semaines après cette première alerte, les quelques efforts concédés par le gouvernement ont du mal à convaincre. D’autant plus que l’inflation peine à se résorber et a même atteint en juillet son niveau le plus haut depuis cinq mois, à 4,5% en rythme annuel. La Banque centrale brésilienne a donc indiqué qu’elle maintenait pour l’instant son taux directeur à 10,5%, ce après sept baisses consécutives depuis août 2023. Depuis sa réélection, Lula est en conflit ouvert avec Roberto Campos Neto, le président de la Banque centrale brésilienne car il estime que l’institution monétaire ne baisse pas assez vite le taux directeur. Le mandat de Campos Neto s’arrête le 31 décembre 2024 et l’idée que Lula puisse nommer à sa place une personnalité davantage conciliante est aussi source de préoccupations.
A l’heure actuelle, les projections économiques du Brésil restent positives. Le pays a connu une croissance de son PIB de 1,4% sur le mois de juin, un niveau plus haut que prévu. Sur l’année 2024, le FMI prévoit une croissance de 2,1%. Toutefois, ces prévisions pourraient être revues à la baisse dans les prochains mois au vu de différents signaux qui interpellent les analystes.
En juillet, 166 petites entreprises sont entrées en redressement judiciaire, soit le niveau le plus haut depuis 2005 et un chiffre qui confirme une tendance à la hausse depuis le début de l’année 2024. De plus, le Sénat brésilien vient d’approuver un projet de loi pour renégocier à la baisse les dettes des états brésiliens contractées auprès de Brasilia. Cette mesure pourrait se transformer en un manque à gagner de 8 milliards de dollars pour l’État fédéral.
La politique interventionniste voulue par Lula, qui avait porté ses fruits lors de ses deux premiers mandats, se heurte à un contexte économique bien différent aujourd’hui.
“Évidemment, Lula n’a pas l’obligation de faire plaisir aux investisseurs. Mais en ignorant leurs préoccupations, le risque est de réduire davantage les flux de capitaux, d'aggraver le déclin de la monnaie et d'alimenter une nouvelle poussée d'inflation qui nuirait à tous les Brésiliens.” Vinicius Andrade, Bloomberg.