Venezuela : le règne de la terreur

Nicolas Maduro espère rester au pouvoir en neutralisant l'opposition

Le président du Venezuela Nicolas Maduro mène une répression contre ses opposants qui contestent sa victoire aux élections présidentielles - Photo : AP

Deux semaines après l’élection présidentielle du dimanche 28 juillet, Nicolas Maduro n’a toujours pas reconnu sa défaite ni fourni les preuves de sa victoire annoncée le soir du scrutin par le Conseil National Electoral (CNE), organe contrôlé par le gouvernement.

Le CNE a en effet annoncé une victoire de Maduro à 51% des voix contre 44% des voix pour le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez. Néanmoins, ni le CNE ni le gouvernement n’ont fourni les “actas”, les documents certifiant le décompte des votes dans chaque bureau électoral.

De son côté, l’opposition menée par Maria Corina Machado et Edmundo Gonzalez ont travaillé sans relâche pour récupérer dès le lendemain plus de 70% de ces “actas (et quelques jours plus tard plus de 83%) prouvant que Edmundo Gonzalez était le réel vainqueur de cette élection, avec une large avance sur Nicolas Maduro, ce dans tous les états du pays.

En réunissant rapidement ces actas, l’opposition a pu légitimer sa victoire dans les urnes auprès de la population vénézuélienne mais également auprès de la communauté internationale. Un site web a rapidement été mis en place permettant à n’importe qui d’authentifier les actas que l’opposition a pu récupérer. Chaque électeur vénézuélien a donc pu vérifier que son vote avait bien été pris en compte. Ces résultats ont depuis été vérifiés par de nombreux journalistes et organes indépendants qui s’accordent tous à dire qu’il s’agit bien des résultats authentiques.

D’importants rassemblements ont eu lieu à Caracas et ailleurs dans le pays à l’appel de Maria Corina Machado, montrant l’ampleur du soutien dont bénéficie l’opposition. Celle qui est devenue la figure de la résistance au régime de Maduro reste déterminée et optimiste, tout en demandant à ses soutiens de manifester pacifiquement. Elle est convaincue qu’un nouveau président sera au pouvoir le 10 janvier prochain, indiquant que ce combat pour la démocratie ira jusqu’au bout, “hasta el final”.

Maria Corina Machado a galvanisé ses partisans samedi 3 août à Caracas - Photo : Sipa/Cristian Hernandez/AP

De son côté, Nicolas Maduro joue la carte de la peur. La répression des opposants politiques s’est fortement accentuée. Selon différentes sources, 23 décés ont été recensés entre le 28 juillet et le 8 août ; et entre 1.200 et 2.000 personnes ont été arrêtées depuis deux semaines, dont certains membres haut placés de l’opposition.

Maduro espère ainsi décourager les Vénézuéliens qui demandent un changement. Le président a accusé Maria Corina Machado et Edmundo Gonzalez d’insurrection, de conspiration et de terrorisme et des mandats d’arrêts ont été émis à leur encontre. Lors de différentes conférences de presse, Nicolas Maduro a tour à tour accusé Elon Musk et la plateforme X de vouloir déstabiliser le Venezuela, demandé aux Vénézuéliens de supprimer WhatsApp et même accusé la Chine, pourtant un de ses rares alliés, d’appuyer le fascisme au Venezuela car son compte TikTok a été suspendu. Le dirigeant vénézuélien s’enferme dans une posture toujours plus autoritaire et ne semble pas prêt à céder le pouvoir.

À l’heure actuelle, il est difficile de savoir comment la situation au Venezuela peut évoluer. Nicolas Maduro essaye de laisser passer l’orage en muselant l’opposition alors que Maria Corina Machado a appelé les Vénézuéliens du monde entier à se rassembler à nouveau ce samedi 17 août afin de maintenir la pression. Il y a deux facteurs qui paraissent désormais déterminants pour faire pencher la bascule en faveur de l’opposition : le rôle de l’armée et la pression internationale.

Malgré un appel formel de l’opposition vénézuélienne leur demandant de respecter la volonté du peuple, les forces armées restent pour l’instant fidèles à Nicolas Maduro. Une loyauté réaffirmée avec vigueur par le général Vladimir Padrino Lopez il y a quelques jours. Le président vénézuélien a jusque-là réussi à garder le contrôle de l’armée et de la police, qui mènent conjointement une opération de répression sans précédent. Il s’agit désormais de savoir jusqu’où cette répression va aller et si l’engouement de l’opposition va s’estomper progressivement à force d’arrestations et de menaces. Au contraire, si l’opposition peut continuer à mobiliser les Vénézuéliens dans la durée, les forces armées pourraient commencer à remettre en question la spirale répressive amorcée par Nicolas Maduro. Or, pour que l’opposition reste active, il est essentiel qu’elle soit soutenue par la communauté internationale.

La victoire annoncée de Nicolas Maduro n’est pour l’instant reconnue que par une poignée de pays, alignés politiquement avec le Venezuela. Parmi eux, la Russie, la Chine, l’Iran, la Bolivie, Cuba, le Honduras et le Nicaragua. Le Chili et l’Argentine ont été les pays les plus critiques envers Nicolas Maduro dès l’annonce des résultats. Le Brésil, la Colombie et le Mexique semblent vouloir jouer la carte de la prudence en demandant à ce que les preuves des résultats annoncés par le CNE soient fournies. Ces derniers jours, les trois pays ont amorcé une tentative de négociations avec Nicolas Maduro afin d’essayer d’établir des résultats impartiaux. Une initiative qui a obtenu l’aval de Washington. Néanmoins, Lula, Gustavo Petro et Andrés Manuel Lopez Obrador n’ont pour l’instant pas reconnu la victoire de l’opposition. Les trois dirigeants de gauche, semblent vouloir laisser le bénéfice du doute à Maduro.

Celso Amorim, diplomate et conseiller de Lula, a aujourd’hui évoqué la possibilité d’organiser une nouvelle élection, comme “un second tour”, avec cette fois-ci la présence d’observateurs de l’Union européenne. La diplomatie brésilienne estime qu’il n’est pas possible de savoir qui a gagné l’élection du 28 juillet. Ce scénario irait à l’encontre d’une reconnaissance de la victoire d’Edmundo Gonzalez et prendrait certainement plusieurs mois avant de se matérialiser puisque Nicolas Maduro à jusque-là refusé la présence d’observateurs internationaux pour l’élection présidentielle.