Bolivie : l'économie menacée par la pénurie de dollars
Le pays s'enfonce lentement dans une crise économique structurelle
La Bolivie a vu sa note dégradée par Fitch en février et par Moody’s fin avril. Une décision motivée dans les deux cas par la situation critique des réserves de dollars du pays, qui ont fondu ces dernières années, atteignant moins de 2 milliards de dollars en 2023, contre 15 milliards en 2014.
La pénurie de billets verts est liée en grande partie aux défaillances de l’industrie nationale de gaz, principale ressource du pays et sur laquelle l’État bolivien s’est (trop ?) longtemps reposé. Après avoir nationalisé la production d’hydrocarbures en 2006, le pays a profité d’une forte demande globale et des cours internationaux élevés. Le gouvernement d’Evo Morales (2006-2019) a pu investir massivement en faveur du développement socio-économique du pays (infrastructures, santé, éducation). À tel point que beaucoup parlaient d’un “miracle économique”.
Or depuis une dizaine d’années, la tendance s’est inversée. La production de gaz naturel en Bolivie a en effet fortement diminué, d’environ 40% depuis 2014. Les sources de production existantes s’épuisent et le manque d’investissement freine le développement de nouveaux projets. Qui plus est, le cours mondial du gaz naturel a largement baissé (hormis une période à la hausse entre 2021 et 2022).
Ainsi les exportations de gaz, qui représentent historiquement la principale source de revenus et de devises étrangères du pays, ont diminué en volume et en valeur. Un contexte qui a fragilisé doucement mais sûrement l’économie bolivienne. Selon certaines estimations, la Bolivie pourrait même devenir importateur net de gaz d’ici 2030.
De plus, la pénurie de dollars est empirée par un taux de change fixe entre le boliviano et le dollar, qui pousse le pays à vendre des dollars pour contrôler l’inflation.
Cette situation provoque une crispation sociale en Bolivie et ce depuis de nombreux mois. Une première alerte en février 2023 avait poussé les Boliviens à se ruer devant les portes de la Banque centrale pour récupérer des dollars. Depuis, la situation ne s’est pas arrangée et certains parlent même d’une potentielle crise économique historique.
Les manifestations se sont multipliées récemment. Certains secteurs ont un besoin vital de dollars pour importer des produits clés. C’est notamment le cas dans le secteur médical où les importations de morphine et d’autres traitements contre les cancers sont de plus en plus rares et chères.
Face à cette situation, le gouvernement explore des solutions alternatives. Le président Luis Arce s’est en effet rapproché de la Chine pour développer les relations commerciales et notamment obtenir des yuans, que le pays utilise aujourd’hui pour payer environ 10% de ses importations. Les deux pays ont également discuté d’une possible entrée de la Bolivie dans le groupe élargi des BRICS, ce qui permettrait à la Bolivie d’obtenir davantage de financements. En échange, la Chine s’est placée en pôle position pour l’exploitation des ressources de lithium en Bolivie. Le pays détiendrait les plus importantes reserves de lithium au monde.
Le gouvernement a également annoncé vouloir trouver de nouvelles ressources d’hydrocarbures, en explorant des sites situés jusque-là dans des réserves naturelles protégées. Une décision qui n’a pas obtenu l’aval de toutes les communautés concernées et qui a globalement alimenté un mécontentement vis-à-vis du gouvernement.
La situation économique n’est pas aidée par les conflits politiques qui se multiplient en Bolivie. L’actuel président Luis Arce et l’ancien président Evo Morales se disputent le leadership du parti MAS(Movimiento Al Socialismo) en vue des élections présidentielles de 2025. Une rivalité qui s’invite dans le processus législatif. Certains députés alliés de Morales font en effet barrage à d’importants projets de reformes souhaités par le président Arce.
Ces disputes internes alimentent le mécontentement de nombreux Boliviens, ce qui pourrait finir par favoriser l’opposition au scrutin présidentiel d’août 2025. Mais un changement pourrait être nécessaire plus rapidement si les conditions économiques continuent à se dégrader.