Guatemala : les défis de Bernardo Arévalo

Après l'investiture, le mandat de Bernardo Arévalo s'annonce compliqué.

Le nouveau président du Guatemala, Bernardo Arévalo, lors de son investiture le 15 janvier 2024. Photo : EFE/David Toro

Malgré les menaces de coup d’Etat et après de nombreux rebondissements, le président élu Bernardo Arévalo a bien été investi président ce dimanche 14 janvier.

Au cours d’une journée chaotique, les députés sortants ont d’abord refusé de céder leurs sièges aux nouveaux députés et notamment à ceux du parti Semilla, le parti de Bernardo Arévalo. Mais la détermination des députés de Semilla et la pression des manifestants devant le Congrès ont eu raison des stratagèmes de l’establishment pour empêcher la transition démocratique. C’est finalement Samuel Perez, du parti Semilla, qui a été élu président du Congrès. Une victoire importante pour le camp présidentiel et qui a permis à la cérémonie d’investiture d’avoir lieu malgré dix heures de retard.

Depuis son arrivée inattendue au second tour en juin dernier, Arévalo et son parti Semilla ont fait l’objet d’une traque judiciaire, menée par plusieurs procureurs qui ont essayé d’invalider son élection et celle de ses députés. Même si il est désormais à la tête du Guatemala, la tâche s’annonce difficile pour le président Arévalo qui a promis de lutter contre la corruption dans le pays.

Les tentatives de déstabilisation à l’encontre d’Arévalo et de son parti ces derniers mois ont montré à quel point la corruption gangrénait le pays d’Amérique centrale, considéré comme le trentième pays le plus corrompu sur 180 par Transparency International. Depuis longtemps, les institutions du pays sont sous l’emprise d’une caste politique de droite et soutenue par les milieux d’affaires. Ces politiques utilisent les autorités judiciaires pour disqualifier certains candidats d’opposition mais aussi des juges et journalistes.

En 2006, la CICIG, une commission indépendante des Nations Unies avait initié des enquêtes au Guatemala pour assister les autorités locales dans la lutte contre l’impunité et la corruption. Après de nombreuses révélations sur les pots-de-vin perçus par les députés et l’existence de réseaux d’influence au sein du pouvoir judiciaire, la CICIG a été dissoute en 2019 par l’ancien président Jimmy Morales. Dans la foulée, la justice guatémaltèque avait disqualifié de l’élection présidentielle Thelma Aldana, une juge qui promettait de lutter contre la corruption. De nombreux candidats anti-système ont également été disqualifiés des élections présidentielles de 2023 et certains journalistes et juges ont été forcés de s’exiler.

Dans un tel contexte, l’arrivée au pouvoir de Bernardo Arévalo, malgré de nombreux obstacles, est un réel motif d’espoir pour les Guatémaltèques. Dans son discours d’inauguration le président a remercié tous ses soutiens et a en particulier salué les membres de la communauté indigène qui sont restés pendant plusieurs mois devant le bureau du procureur général pour défendre sa victoire électorale.

Bernardo Arévalo a bénéficié du soutien de la communauté internationale, présente en nombre lors de son investiture, et en particulier du soutien de Washington qui avait adopté des sanctions contre certains hauts fonctionnaires guatémaltèques en décembre. Parmi eux, la procureure générale Consuelo Porras et plusieurs membres du parquet. L’investiture d’Arévalo est une victoire importante pour les démocraties latino-américaines.

Toutefois, le président de gauche qui veut lutter contre les inégalités et l’injustice sociale au Guatemala devra composer sans majorité au Congrès, où la droite a conservé l’avantage. Le mandat d’Arévalo devrait donc être marqué par un climat de confrontation face aux pouvoirs législatif et judiciaire qui vont certainement tout faire pour neutraliser les velléités du nouveau président. Bernardo Arévalo a fait de l’éducation, la santé, le développement et l’environnement ses principales priorités pour son mandat qui durera quatre ans.

Le Guatemala est la plus grande économie d’Amérique centrale à la fois en termes de population et de PIB. Malgré une croissance robuste et un potentiel économique certain, le pays enregistre des taux d’inégalité et de pauvreté parmi les plus élevés du continent américain. La pauvreté touche plus de la moitié de la population et en particulier les communautés indigènes et les zones rurales. Le pays connaît une importante émigration, souvent vers les Etats-Unis et reste dépendant des remesas, l’envoi d’argent par la diaspora basée à l’étranger.

Le plus grand défi d’Arévalo sera certainement de réussir à gouverner face aux oppositions et aux réseaux d’influence au sein de l’Etat guatémaltèque. Signe de cet engagement, le président a demandé ce lundi la démission de la procureure générale Consuelo Porras, principale protagoniste des déstabilisations contre le président élu et dont le mandat coure jusqu’en 2026. Une tentative avant tout symbolique puisque aucun fondement juridique ne justifie pour le moment cette démission.