L'Equateur plonge dans le chaos
Le pays connait un épisode de violence sans précédent depuis ce dimanche
Depuis ce weekend, l’Equateur fait face à une vague de violence sans précédent. Le pays, autrefois pacifique, est gangréné par le narcotrafic depuis trois ans et la montée en puissance de nombreux groupes criminels. Une situation face à laquelle l’Etat équatorien semble désemparé.
L’évasion ce dimanche d’Adolfo Macias, leader du gang Los Choneros, de la prison de Guayaquil a mis le feu aux poudres. Considéré comme l’ennemi public numéro un en Equateur, Adolfo Macias, aussi connu sous le nom de “Fido”, servait une peine de 34 ans dans la prison de Guayaquil. Sa mystérieuse “disparition” ce dimanche a forcé le gouvernement à mobiliser les forces armées.
Lundi, le président Daniel Noboa a déclaré l’état d’urgence sur tout le territoire national pour une durée de 60 jours, déployant l’armée dans plusieurs villes du pays. Une décision qui a déclenché une réponse ultra-violente du crime organisé. Plusieurs policiers ont été enlevés et une trentaine d’incidents ont été enregistrés sur la matinée de mardi dans neuf provinces du pays. Les événements ont pris une tournure encore plus choquante pour les Equatoriens ce mardi soir alors que les membres d’un gang ont fait irruption, armés, sur un plateau TV en direct, prenant en otages plusieurs employés et forçant le présentateur à demander face caméra le retrait de la police dans le pays.
Suite à l’interpellation par la police des assaillants, Daniel Noboa a publié un décret déclarant un “conflit armé interne” contre une vingtaine de groupes criminels. Le pays est aujourd’hui en état de siège et le conflit pourrait s’aggraver dans les prochains jours.
Depuis la crise sanitaire du Covid-19, l’insécurité s’est accrue en Equateur. Traditionnellement pacifique, le pays a vu se multiplier le nombre de groupes criminels liés au narcotrafic, qui ont progressivement pris le contrôle de facto de certaines infrastructures et institutions. La ville de Guayaquil, deuxième plus grande du pays, et son port concentrent aujourd’hui les activités de ces groupuscules dont certains entretiennent des liens étroits avec les cartels mexicains.
Les gangs liés au narcotrafic opèrent notamment depuis les prisons du pays où l’Etat n’arrive plus à exercer son autorité et doit faire face à des émeutes récurrentes. Depuis leurs cellules, les leaders des gangs en Equateur arrivent à diriger leurs opérations criminelles. Si bien que le système pénitentiaire du pays est devenu le centre névralgique de cette crise sécuritaire. Si l’évasion d’Adolfo Macias n’a ainsi pas été une surprise, elle a à nouveau mis la lumière sur le dysfonctionnement des institutions judiciaires dans le pays et l’impuissance des agents de l’autorité pénitentiaire, qui voient leurs familles menacées de mort s’ils refusent de coopérer.
En 2023, plus de 8.000 homicides liés au crime organisé ont été dénombrés dans le pays, soit quasiment le double par rapport à 2022, qui constituait déjà une année record. L’insécurité est devenue la préoccupation principale des Equatoriens, dans un pays qui n’a jamais eu à faire face à une telle vague de violence. Les élections présidentielles de juillet dernier avaient été marquées par une recrudescence des actes criminels et par les assassinats d’un maire et d’un candidat à la présidentielle, tous les deux engagés contre la corruption et le narcotrafic. Un épisode qui avait profondément choqué le pays et révélé la détermination des organisations mafieuses présentes en Equateur.
L’élection de Daniel Noboa, qui a promis une réponse ferme face à l’insécurité, devait répondre à ces inquiétudes. Lors de sa campagne, le jeune président de 35 ans avait notamment proposé de détenir certains leaders de gangs sur des navires au large de l’Equateur, les coupant ainsi de toute communication avec l’extérieur. Un projet qui pourrait voir le jour à l’automne 2024. La semaine dernière, Daniel Noboa a proposé qu’un référendum soit organisé pour donner plus de prérogatives aux forces armées sur le territoire national et alourdir les peines liées au crime organisé. Les événements de ces derniers jours pourraient aller dans le sens de cette initiative.
S’inspirant de la politique ultra-répressive de Nayib Bukele au Salvador, le président équatorien souhaite aussi construire de nouvelles prisons dans le pays, spécialement faites pour neutraliser les réseaux mafieux. La construction d’une de ces prisons devrait commencer dans les prochains jours. Daniel Noboa a également ouvert des négociations avec Washington le mois dernier en vue de renouveler les équipements de la police équatorienne.
La coopération avec les Etats-Unis dans le domaine de la sécurité pourrait s’accélérer tant la situation est préoccupante en Equateur, devenu aujourd’hui l’un des pays les plus dangereux d’Amérique du sud. Le risque d’une escalade dans les prochains jours est réel, d’autant plus que les forces armées et les institutions du pays ont semblé jusque-là incapables de stopper cette vague de violence.