Equateur : le pays touché par une vague de violence avant les élections
Confronté à une hausse de la criminalité sans précédent ces dernières années, l’Equateur connaît un nouvel épisode de violence sur fond d'instabilité politique.
La violence en Equateur a atteint un niveau critique ces derniers jours. Dimanche dernier, Agustin Intriago, le maire de la ville portuaire de Manta, a été tué par balles alors qu’il visitait un site de construction. L’attaque, ciblée, a également causé la mort d’une jeune femme et blessé quatre autres personnes.
La mort d’Agustin Intriago n’est pas anodine. Le maire de Manta était très populaire, notamment parce qu’il avait la réputation d’être incorruptible, dans une ville de plus en plus touchée par le narcotrafic. En effet, ces dernières années le port de Manta est devenu un point de transit majeur du trafic de cocaine dans la région.
L’assassinat d’Agustin Intriago a profondément choqué le pays et a poussé le président Guillermo Lasso à déclarer l’état d’urgence dans trois provinces d’Equateur, permettant à l’armée de se déployer sur le terrain. Quelques heures après les faits, la police équatorienne avait arrêté un suspect lié à l’assassinat et continuait son enquête.
La vague de violence en Equateur est également marquée par les émeutes et affrontements qui éclatent dans les prisons du pays. Mardi, ces affrontements ont fait 31 morts et 14 blessés dans la prison du Litoral à Guayaquil. Plus de 2.500 militaires ont dû intervenir dans cette prison pour reprendre le contrôle alors que des affrontements avaient déjà été signalés depuis samedi.
La situation illustre la perte de contrôle du gouvernement et des institutions sur les territoires où se sont immiscés les cartels locaux. L’insécurité est plus que jamais au cœur des préoccupations des Equatoriens, alors que le premier tour des élections générales anticipées aura lieu le 20 août.
Ces dernières années, la violence a atteint des niveaux jamais vu auparavant en Equateur. Le pays est en effet devenu le nouveau terrain privilégié du narcotrafic et de l’extrême violence qui y est associée.
Même si le pays n’est pas étranger au crime organisé, coincé entre la Colombie et le Pérou, les deux plus grands producteurs de cocaïne, il a longtemps été considéré comme pacifique car il n’était qu’un point de sortie des trafics. Or, l’augmentation frénétique de la production de cocaïne a peu à peu converti l’Equateur en un terrain d’opportunités pour les cartels de drogue. Qui plus est, les processus de paix engagés en Colombie avec les FARC et autres groupes rebelles armés, ont incité les cartels à passer d’avantage par l’Equateur.
Ainsi, depuis 2018 on constate une augmentation de la violence liée au narcotrafic en Equateur. En 2022, 4.823 homicides ont été recensés dans le pays ; soit le chiffre le plus élevé dans l’histoire de l’Equateur. À l’origine, cette violence s’est principalement concentrée dans les prisons où se sont retrouvés des membres du crime organisé. Le gouvernement a aujourd’hui perdu le contrôle de ces prisons qui sont parfois devenues des bases d’opération des cartels mexicains, de la mafia albanaise et de leurs “filiales” équatoriennes. Mais la violence semble désormais passer des prisons à la rue au point de complètement transformer certaines localités d’habitude paisibles en zones à éviter.
Alors que le crime organisé se propage dans le pays, l’Etat équatorien ne semble aucunement préparé à y faire face. La police n’a pas les moyens adéquats et les dirigeants, à l’échelle locale ou nationale, ont été surpris par l’escalade soudaine de la violence constatée ces dernières années. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2021, Guillermo Lasso a essayé de contenir cette violence, en usant à plusieurs reprises de l’état d’urgence. Cependant, l’autorité du président est lourdement remise en cause depuis un an. Après avoir fait face à une crise sociale profonde, le président et son entourage ont été accusés d’entretenir de près ou de loin des liens avec les réseaux mafieux en Equateur.
Menacé de destitution, Guillermo Lasso a dissout l’Assemblée nationale le 17 mai dernier, convoquant ainsi des élections présidentielles et législatives anticipées, dont le premier tour aura lieu le 20 août prochain.
L’insécurité constitue le sujet clé de ces élections et pour beaucoup d’Equatoriens, une réponse ferme est nécessaire. Il y a encore une semaine, la candidate Luisa Gonzalez, du parti Révolution Citoyenne (le parti de l’ex-Président Rafael Correa), figurait largement en tête des sondages pour l’élection présidentielle. Or, la situation actuelle pourrait modifier la dynamique des élections et profiter aux candidats de droite et notamment à l’outsider Jan Topic, ancien légionnaire français qui prône une politique sécuritaire calquée sur celle de Nayib Bukele au Salvador.