Venezuela : un nouvel espoir ?
Les élections primaires pourraient désigner Maria Corina Machado comme nouvelle figure de l’opposition.
Près d’un an après la reprise des négociations entre le régime de Nicolas Maduro et l’opposition, le Venezuela s’approche d’une échéance cruciale pour l’avenir du pays. L’opposition devra en effet choisir le 22 octobre prochain le ou la candidat(e) qui se présentera face à Nicolas Maduro lors d’élections présidentielles qui doivent se tenir en 2024 (date non connue pour l’instant).
Soutenue par Washington, l’organisation d’élections présidentielles “libres et observables” en 2024 est une condition non négociable à l’allégement des sanctions américaines et à un retour progressif du Venezuela sur la scène international. Soucieux de vouloir unir leurs forces et présenter un visage neuf, les membres de l’opposition ont donc organisé, non sans difficultés, une élection primaire qui doit se tenir ce 22 octobre.
Menée par une commission indépendante (CNP, Commission Nationale des Primaires), la tenue de ces élections devait initialement se faire en coordination avec le Conseil Electoral National (CNE), organe contrôlé par le gouvernement. Mais depuis le 15 juin, le CNE a refusé de fournir à l’opposition les informations et l’assistance requise. L’organe a même été remanié en août sur décision du gouvernement et est désormais présidé par un proche de Nicolas Maduro. Les dirigeants de l’opposition ont donc décidé d’organiser ces primaires par leurs propres moyens.
Fin septembre, la CNE a finalement accédé aux requêtes de la CNP tout en demandant à repousser la date du scrutin au 19 novembre. Une demande refusée par l’opposition car jugée trop tardive ; ce qui pourrait servir d’excuse au pouvoir judiciaire pour considérer le scrutin de la primaire de l’opposition comme non valide.
En plus de ces manœuvres qui visent à délégitimer le scrutin, le régime de Nicolas Maduro a également déclaré inéligible plusieurs candidats parmi les 14 inscrits. C’est le cas de Maria Corina Machado, ex-députée et candidate qui semble la mieux placée pour remporter la primaire. Maria Corina Machado a été déclarée inéligible fin juin pour des “irrégularités administratives” lors de son mandat de député. Celle qui est aujourd’hui à la tête du parti Vente Venezuela n’a cependant pas renoncé à se présenter et a réussi à rassembler de nombreux Vénézuéliens autour d’elle. Pour elle, la levée de cette inéligibilité devra être actée lors des négociations visant à organiser le scrutin présidentiel. Une exigence qui aura d’autant plus de poids si elle est élue aux primaires du 22 octobre.
Ce lundi, Henrique Capriles, deuxième dans les sondages, a retiré sa candidature, laissant penser que Maria Corina Machado devrait l’emporter. Comme elle, Henrique Capriles fait l’objet d’une inéligibilité de quinze ans, prononcée à son encontre en 2017, là aussi pour des “irrégularités administratives”.
Avec 75% d’opinion favorable parmi l’opposition, Maria Corina Machado représente la figure la plus crédible pour faire face à Nicolas Maduro. Symbole de sa détermination, la candidate a du éviter plusieurs barrages routiers mis en place par le gouvernement jeudi dernier avant de se rendre à un rassemblement où ses partisans l’ont attendu pendant plusieurs heures.
Si elle est élue ce 22 octobre, l’ex-députée de 56 ans devra être garante de l’unité au sein de l’opposition, souvent décrédibilisée pour ses divisions internes par le passé. La longueur de la crise au Venezuela et l’exclusion de l’opposition des institutions nationales ont en effet eu raison des différentes stratégies communes. Les désaccords internes ont finalement mené à la mise à l’écart de Juan Guaido, leader de l’opposition jusqu’à l’automne 2022 et un temps considéré comme président légitime par la communauté internationale. Aujourd’hui encore, les différents candidats à la primaire ne sont pas d’accord sur la stratégie à mener pour renverser Nicolas Maduro. Il est donc possible que certains candidats perdants aux primaires essayent tout de même de se présenter aux futures élections présidentielles.
Depuis 2013, environ 7,7 millions de personnes ont fui le Venezuela. L’industrie pétrolière nationale s’est effondrée avec la baisse des prix du pétrole, emportant avec elle toute l’économie du pays. Le PIB a chuté de presque 75% entre 2014 et 2021 et le pays a connu une hyperinflation atteignant 130.000% en 2018 et 234% en 2022.
Le changement d’administration et de stratégie à Washington, l’arrivée de nouvelles figures de gauche au Chili, en Colombie et le retour de Lula au Brésil, ont facilité la reprise d’un dialogue ces dernières années avec Nicolas Maduro. L’organisation d’élections présidentielles en 2024 doit permettre de reposer les bases d’une organisation démocratique et un nouvel allégement des sanctions américaines.
Selon certains médias, Washington et Caracas auraient d’ailleurs trouvé un accord pour un nouvel allégement des sanctions si le régime de Maduro s’engage à continuer les négociations avec l’opposition. L’accord prévoirait le retour d’une nouvelle entreprises pétrolière (qui pourrait être Maurel & Prom selon Reuters) sur le sol vénézuélien et devrait préciser l’agenda des élections présidentielles et législatives en 2024 et 2025. Mais le chemin est long d’ici à la tenue d’élections libres et équitables. Les deux parties devront notamment statuer sur les conditions de participation des millions de réfugiés vénézuéliens et sur l’encadrement des élections par un organe indépendant.