Vers une normalisation des relations USA - Venezuela ?
Dans un contexte de tensions globales sur l’industrie pétrolière, l’administration américaine semble avoir amorcé un rapprochement avec le Venezuela, qui pourrait mener à un allégement des sanctions.
Fortement impactée par la guerre en Ukraine, l’industrie pétrolière est sous tension à l’échelle globale. La récente décision de l’OPEP de restreindre la production de barils alimente le scénario d’une baisse de l’offre et d’une hausse des prix. Dans ce contexte, les Etats-Unis, qui cherchent à sécuriser leurs circuits d’approvisionnement en hydrocarbures, ont revu leur stratégie vis-à-vis du Venezuela et ont réengagé un dialogue avec Nicolas Maduro. Si le président vénézuélien se montre prêt à rétablir un semblant de démocratie au Venezuela, la situation du pays et ses relations avec les USA pourraient s’améliorer.
Depuis plusieurs mois, les actions entreprises par la diplomatie américaine semblent en effet indiquer un changement de doctrine envers le régime de Nicolas Maduro, qui pourrait mener prochainement à un allégement des sanctions. Joe Biden a de fait acté l’échec de la stratégie agressive menée par l’ancien président Donald Trump et basée sur plusieurs paquets de sanctions visant à étouffer l’économie vénézuélienne. Depuis fin 2021, le gouvernement américain a même amorcé des discussions directes avec le gouvernement de Nicolas Maduro, avec pour objectif de ramener le président à des négociations multilatérales en échange d’une levée partielle des sanctions. Dès lors, de nombreux signes de rapprochement ont été perçus. En mars dernier, la première visite diplomatique américaine au Venezuela depuis des années visait à jauger la position de Nicolas Maduro vis-à-vis de la Russie, allié historique du Venezuela. Une autre visite américaine a eu lieue en juin dernier, cette fois-ci pour évoquer la situation de plusieurs détenus américains au Venezuela. Un dossier conclu début octobre lorsque les deux pays ont procédé à un échange de prisonniers. Les Etats-Unis ont libéré des membres de la famille de l’épouse de Nicolas Maduro et le Venezuela sept ressortissants américains. Une étape importante dans le dialogue entre Washington et Caracas.
Le rapprochement diplomatique est aussi économique. L’embargo américain sur les importations d’hydrocarbures à été allégé en mai dernier et les exportations de pétrole vénézuélien vers les Etats-Unis ont repris en juillet (voir graphique ci-dessous). De plus, des négociations sont en cours entre la compagnie pétrolière américaine Chevron et PDVSA, l’entreprise publique vénézuélienne. Elles visent à permettre à Chevron de reprendre certaines activités de production pétrolière au Venezuela. Le pays produit actuellement environ 600.000 barils par jour (contre presque 3 millions en 2014) et l’Etat n’a plus les moyens d’investir pour augmenter cette production. La reprise des activités de Chevron au Venezuela pourrait faire augmenter cette production à 800.000 barils par jour.
Alors que le Venezuela semble progressivement se remettre de la grave crise économique et humanitaire, Nicolas Maduro cherche lui aussi une nouvelle approche. L’économie vénézuélienne, déjà fortement impactée par les sanctions et les mesures d’austérité prises par le président, est également touchée par les sanctions imposées à la Russie. Moscou et Caracas ont en effet nourri une forte proximité financière depuis longtemps et d’autant plus depuis l’isolement du pays sud-américain. Or, la plupart des banques russes ont été mises sur liste noire par la communauté internationale et les actifs vénézuéliens dans ces banques ont été gelés. Ainsi la perspective d’une levée des sanctions par les USA et de retrouver un accès à des financements internationaux représente l’opportunité pour Nicolas Maduro de redynamiser l’économie du pays.
La nouvelle approche pragmatique des USA vis-à-vis du Venezuela vise donc à récupérer une source d’approvisionnement en hydrocarbures mais aussi à éloigner le Venezuela de la Russie. En revanche, elle pourrait conduire à conforter Nicolas Maduro au pouvoir. Le président vénézuélien bénéficie en effet de conditions plus que jamais favorables pour se maintenir à la tête de l’Etat. En interne, l’opposition à Nicolas Maduro reste divisée. Juan Guaido, un temps la figure de l’opposition, reconnu comme président légitime par les Etats-Unis en 2019, n’a plus les faveurs des différents partis d’opposition, qui ne partagent pas sa stratégie d’abstention aux élections (notamment aux élections régionales de 2021). Dans la région, Nicolas Maduro était très critiqué par les gouvernements colombien et brésilien, en faveur d’une stratégie agressive. Mais l’arrivée de Gustavo Petro en Colombie, qui a rétabli les relations diplomatiques avec le Venezuela, et la perspective d’une victoire de Lula au Brésil changent grandement la donne. Plus généralement, le virage à gauche observé en Amérique latine devrait bénéficier à Nicolas Maduro.
L’opposition colombienne et les Etats-Unis semblent désormais partager le même objectif : ramener le régime de Nicolas Maduro à la table des négociations qui ont lieues au Mexique, suspendues par le Venezuela l’an dernier, et organiser progressivement le rétablissement des conditions démocratiques au Venezuela avec comme échéance principale la tenue d’élections présidentielles en 2024. Dans ce cadre de négociations, l’opposition vénézuéliennes s’est dite prête à accepter le déblocage de fonds publics pour investir dans les infrastructures.
La situation économique du Venezuela reste chaotique. Le PIB du pays est passé de 360 milliards de dollars US en 2012 à environ 100 milliards aujourd’hui. Fortement dépendant des revenus du pétrole, le pays a vu son économie se stabiliser depuis la remontée des cours au printemps 2020. Cependant, Nicolas Maduro ne peut pas espérer relever l’économie du pays sans un allégement significatif des sanctions et un accès retrouvé à des financements internationaux. Dans ce sens, le gouvernement vénézuélien a récemment demandé au FMI de reconnaître la légitimité de Nicolas Maduro ; une demande pour l’instant refusée par l’organisation internationale. Bientôt dix ans après le début d’une crise économique et humanitaire, qui a vu plus de 7 millions de Vénézuéliens fuir le pays (sur une population de 30 millions en 2014), le Venezuela pourrait revenir petit à petit sur le devant de la scène.