Menace militaire et répression : l'offensive de Maduro
Le président du Venezuela cherche à renforcer sa main mise sur le pouvoir.
La semaine dernière, le Center for Strategic and International Studies (CSIS) dévoilait des images satellites montrant un renforcement des troupes militaires vénézuéliennes sur l’ile d’Ankoko, située à la frontière de l’Essequibo, région disputée entre le Venezuela et le Guyana.
Les images, qui datent du 13 janvier 2024, montrent plusieurs hangars récemment construits, des camions de transport, hélicoptères, et bateaux. Elles montrent également que le site semble être en pleine expansion pour accueillir d’avantage d’équipements et de personnel.
Alors que les deux pays ont entamé des pourparlers en décembre dernier sur la souveraineté de l’Essequibo, les images publiées par le CSIS remettent en question la sincérité de Nicolas Maduro qui s’était engagé à ne pas enclencher d’action militaire. La région de l’Essequibo, actuellement administrée par le Guyana est depuis longtemps revendiquée par le Venezuela. Elle est l’objet de tensions entre les deux pays depuis le mois de décembre et l’organisation d’un référendum par Nicolas Maduro au Venezuela autorisant le gouvernement a revendiquer ce territoire extrêmement riche en pétrole.
Ce référendum était avant tout perçu comme un moyen pour Nicolas Maduro d’engranger une victoire politique en interne. L’ouverture de pourparlers supervisés par le Brésil et la signature de la Déclaration d’Argyle, visant à prévenir toute menace militaire entre les deux pays, avaient permis de désamorcer la situation.
Néanmoins, les images dévoilés par le CSIS montrent que le régime vénézuélien continue à renforcer sa présence militaire dans la région. Face aux critiques du gouvernement du Guyana, Caracas a revendiqué dans un communiqué ce dimanche “le droit de renforcer ses frontières” et a dénoncé l’attribution par le Guyana de “concessions pétrolières illégales […] dans un espace maritime incontestablement vénézuélien”. La semaine dernière, le Brésil avait également envoyé des troupes supplémentaires à sa frontière avec les deux pays.
Les revendications du Venezuela sur l’Essequibo semblent donc être toujours d’actualité. La situation fait craindre une escalade et confirme un durcissement de la stratégie de Nicolas Maduro.
En effet, ces dernières semaines, le gouvernement vénézuélien a semblé vouloir renforcer sa main mise sur le pouvoir. La police a procédé à 32 arrestations de civils et militaires accusés de préparer un assassinat contre le président Maduro. La justice a confirmé l’inéligibilité de Maria Corina Machado, principale figure de l’opposition. Une décision qui va à l’encontre de l’accord de la Barbade, qui prévoit l’organisation d’élections présidentielles auxquelles l’opposition pourrait participer et qui a poussé l’administration américaine à rétablir certaines sanctions précédemment levées. Enfin, la police a arrêté vendredi dernier Rocío San Miguel, une avocate vénézuélienne spécialiste des questions militaires et critique du régime de Nicolas Maduro, accusée de planifier une attaque sur une base militaire à Tachira. Dans la foulée, le gouvernement vénézuélien annonçait avoir déjoué plusieurs complots impliquant des militaires, journalistes et militants.
Cette vague de répression a été dénoncée par Maria Corina Machado et par la communauté internationale. Les Etats-Unis et l’Europe se sont dits “profondément préoccupés” par l’arrestation de Rocio San Miguel dont l’état de santé et le lieu de détention restent inconnus à l’heure actuelle. L’ONU a dénoncé un “plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés”.
Les événements de ces dernières semaines laissent effectivement peu de doute quant à la volonté de Nicolas Maduro de réduire au silence l’opposition et les personnalités de la société civile les plus critiques à l’égard de son régime. Cette escalade de la répression de la part du gouvernement vénézuélien remet fortement en question les engagements du président vis-à-vis de Washington et de l’opposition vénézuélienne.
Nicolas Maduro semble tout faire pour renforcer sa main mise sur le pouvoir et l’augmentation de la présence militaire dans la région de l’Essequibo pourrait n’être qu’une menace ou une diversion lui permettant d’avoir une plus grande marge de manœuvre dans les négociations sur la transition politique. Les Etats-Unis seraient certainement prêts à relâcher la pression sur Nicolas Maduro s’il s’agit d’éviter un conflit à l’échelle régionale. Le président vénézuélien pourrait ainsi alimenter les menaces sur l’Essequibo dans les prochains mois afin d’obtenir des concessions de la part de Washington.