USA - Amérique latine : économie et migration à l'agenda de l'APEP
Ce vendredi, Joe Biden accueillait à Washington plusieurs chefs d’Etat latino-américains pour le premier sommet de l’APEP (Americas’ Partnership for Economic Prosperity).
L’initiative APEP, lancée en juin 2022 lors du dernier Sommet des Amériques à Los Angeles, visait à amorcer une baisse des tarifs douaniers entre les Etats signataires, développer les relations commerciales et encourager les investissements. Un moyen également pour Washington de rivaliser avec la présence grandissante de la Chine dans la région.
En accueillant les chefs d’Etat, Joe Biden a déclaré que ce Sommet devait être l’opportunité pour la région d’affirmer son potentiel économique. Le président américain a ajouté qu’il s’agissait d’offrir aux pays de la région “un véritable choix entre une diplomatie du piège de la dette et une approche transparente et de haute qualité en matière d’infrastructures et de développement”.
Les discussions ont permis de tracer les premières lignes de ce partenariat économique qui a vocation à réunir d’abord les pays de la région les plus alignés avec Washington. Les différents chefs d’Etat se sont ainsi engagés à renforcer de manière commune et en priorité leurs chaînes d’approvisionnement dans des secteurs stratégiques comme l’énergie, la santé et les semi-conducteurs.
Les Etats-Unis, par la voix de Janet Yellen, se sont également engagés à augmenter significativement leur apport financier au sein de la BID. D’autres engagements financiers conséquents ont été évoqués, toujours via la BID, visant à encourager les investissements dans les énergies renouvelables et développer l’entrepreneuriat.
Ce sommet représente pour l’administration américaine une nouvelle approche dans ses relations diplomatiques avec l’Amérique latine. Joe Biden souhaite reconquérir la région en construisant avec les différents chefs d’Etat les conditions favorables à la coopération et au développement économique. Une rupture majeure avec la diplomatie conflictuelle (“bully”) imposée par l’administration Trump.
La crise sanitaire du Covid-19 a révélé la dépendance des Etats-Unis et d’un bon nombre de pays de la région envers la Chine, notamment dans l’approvisionnement en fournitures médicales. Une situation qui a poussé l’administration Biden mais aussi le Congrès américain à revoir le positionnement des Etats-Unis vis-à-vis de la présence chinoise en Amérique latine. Néanmoins ce changement de discours n’avait jusque-là été suivie d’aucune initiative concrète et beaucoup de chefs d’Etat latino-américains attendaient que Joe Biden passe de la parole aux actes. Cette session inaugurale du sommet de l’APEP semble constituer un premier pas dans ce sens. Les différents chefs d’Etat ont convenu de la tenue de ce sommet tous les deux ans. La prochaine édition se déroulera en 2025 au Costa Rica.
Outre la volonté affichée par Washington d’un rapprochement économique, ce sommet a également porté sur l’immigration, l’autre grand enjeu des relations Etats-Unis - Amérique latine. L’inscription de ce sujet dans l’agenda du Sommet constitue un glissement par rapport à l’idée originale de l’APEP, initialement pensé comme un espace de coopération économique. Mais la crise migratoire en Amérique centrale et à la frontière mexicaine a poussé Washington à faire de l’immigration une des priorités de ce sommet. Pour les représentants du gouvernement américain, les deux problématiques vont de pair : l’amélioration des conditions économiques dans les pays de la région doit permettre de réduire les flux migratoires.
Ce glissement semble avoir laissé les dirigeants latino-américains sceptiques car il donne à nouveau l’impression que l’engagement des Etats-Unis dans la région n’est dicté que par la politique interne et en l’occurence par les pressions du Congrès pour contrer la présence chinoise dans la région et lutter contre l’immigration, ce alors que l’élection présidentielle aux Etats-Unis aura lieu dans un an.
Ces vingt dernières années, la Chine a développé de façon exponentielle ses relations commerciales avec les pays latino-américains. Le géant d’Asie est désormais le premier partenaire commercial des pays d’Amérique du Sud et le deuxième sur la zone Amérique latine et Caraïbes. Principal importateur des matières premières présentes dans la région (soja, cuivre et pétrole entre autres), la Chine s’est assurée des canaux d’approvisionnement en concédant des prêts et des investissements dans les infrastructures aux Etats latino-américains. Une présence concrète et durable qui s’est bâtie alors que Washington semblait négliger cette région. L’administration Biden a tardé à acter un vrai revirement diplomatique envers l’Amérique latine et si l’APEP constitue un effort (timide et tardif) dans ce sens, la possibilité d’un retour de Donald Trump à la présidence américaine en 2024 n’est pas de nature à rassurer les Etats latino-américains.