Lula réhabilite Nicolas Maduro

En amont d'un sommet régional à Brasilia, la rencontre entre Lula et Maduro a donné lieu à une prise de position surprenante de la part du président brésilien.

Le président brésilien Lula accueille le président vénézuélien Nicolas Maduro à Brasilia, en amont d’un sommet sur l’intégration régionale. Crédits Photo : UESLEI MARCELINO | REUTERS

Le président brésilien accueillait ce mardi à Brasilia les chefs d’Etat sud-américains pour un sommet dédié à l’intégration régionale. Une rencontre marquée par la venue la veille de Nicolas Maduro, président du Venezuela depuis désormais dix ans et largement critiqué par la communauté internationale.

Lula souhaitait faire de ce sommet l’occasion de renforcer les liens entre les pays de la région et de réaffirmer le leadership du Brésil. Toutefois, l’Amérique du sud est aujourd’hui désunie. Malgré le “nouveau virage à gauche” de 2022, les querelles diplomatiques se sont multipliées ces derniers mois dans la région, que ce soit au sein du Mercosur, vis-à-vis de la situation au Pérou, ou vis-à-vis de l’avenir du Venezuela et de Nicolas Maduro. Les derniers résultats électoraux au Chili pour la composition du Conseil constitutionnel et la mauvaise posture du gouvernement Fernandez avant les élections présidentielles en Argentine laissent penser que même les places fortes de la gauche en Amérique du sud ne disposent pas d’un soutien populaire significatif.

Or, l’invitation de Nicolas Maduro pour ce sommet à Brasilia semble avoir d’autant plus divisé les chefs d’Etat de la région. Pour sa première visite au Brésil depuis 2015, Nicolas Maduro a été accueilli à bras ouverts par Lula. Le président brésilien a critiqué les sanctions américaines à l’encontre du Venezuela, affirmant que le pays avait été “victime d’un narratif” qui avait constitué à décrire le Venezuela comme “anti-démocratique et autoritaire”.

La prise de parole de Lula a suscité l’étonnement et a été analysée comme une façon pour le Brésil de réhabiliter le Venezuela et Nicolas Maduro sur la scène régionale. Le président brésilien a recommandé à Nicolas Maduro d’affirmer “son propre narratif” pour faire changer les opinions sur le Venezuela. Il a même surenchéri, en se mettant clairement du côté du Venezuela : “Nos adversaires vont devoir s’excuser pour les dégâts qu’ils ont causé au Venezuela

La situation au Venezuela est aujourd’hui marquée par de fragiles négociations en cours entre Maduro et l’opposition pour l’organisation d’élections démocratiques d’ici 2024.

La diplomatie américaine a acté l’été dernier la faillite de sa stratégie vis-à-vis du Venezuela, basée sur des sanctions économiques et le soutien à Juan Guaido, un temps reconnu comme le vainqueur légitime des élections présidentielles de 2019. Les Etats-Unis ont réduit les sanctions à l’encontre du Venezuela en échange d’un retour de Nicolas Maduro à la table des négociations. Dans le même temps, le président colombien Gustavo Petro a rétabli les relations diplomatiques avec le Venezuela. Un changement de paradigme qui a participé à réhabiliter Nicolas Maduro ces derniers mois, mais qui vise aussi à redonner une place à l’opposition vénézuélienne dans les institutions du pays.

Toutefois, la prise de parole de Lula aux côtés de Maduro en amont de ce sommet sud-américain va plus loin que cela puisque le président brésilien s’est clairement rallié à son homologue vénézuélien, lui apportant un soutien sans équivoque et s’affichant en opposition aux Etats-Unis.

Les propos de Lula sur la situation du Venezuela ont occupé la majeure partie des discussions lors de ce sommet visant à relancer l’UNASUR et à renforcer les liens économiques, politiques et culturels dans la région.

Le président uruguayen Luis Lacalle Pou a exprimé son mécontentement face à l’organisation de la rencontre bilatérale entre Maduro et Lula avant le sommet, qui enferme de facto les discussions dans un débat idéologique. Il a confié à Lula avoir été “surpris” d’entendre que la situation au Venezuela n’était qu’un “narratif” et a exhorté les chefs d’Etat à s’en tenir aux actions. Le président de l’Uruguay s’est également positionné contre la démultiplication des initiatives régionales, qui se transforment trop souvent en clubs idéologiques.

Gabriel Boric, président du Chili et figure de la nouvelle gauche en Amérique latine, a également été très critique vis-à-vis du discours de Lula. Après le sommet, il a affirmé que la situation des droits de l’homme au Venezuela n’était pas un narratif mais une “réalité” qui ne pouvait pas être ignorée.

Opinion

A quoi joue Lula ? C’est la question que l’on peut se poser après ses déclarations vis-à-vis de Nicolas Maduro et du Venezuela. Le président brésilien fait à nouveau parler de lui sur la scène internationale. Après son refus de condamner l’invasion russe de l’Ukraine, son soutien à la Chine et à des négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie, le rendez-vous manqué avec Zelensky lors du G7, Lula apporte désormais son soutien à Maduro en réfutant la situation dramatique des droits de l’homme au Venezuela.

Comme l’a dit Gabriel Boric, cette situation est une réalité et les chefs d’Etat d’Amérique du sud le savent bien puisque plus de 7 millions de Vénézuéliens ont fuit leur pays depuis 2013 pour retrouver une vie décente, en s’installant la plupart du temps dans les pays voisins.

En réalité, si Lula souhaitait unir les chefs d’Etat sud-américains autour d’une nouvelle initiative régionale, il semble avoir réussi le contraire. En soutenant de la sorte Nicolas Maduro avant le sommet, il a en réalité forcé les leaders sud-américains à se positionner sur cette question qui n’était pourtant pas au centre de l’agenda prévu. A l’image de Luis Lacalle Pou et Gabriel Boric, plusieurs chefs d’Etat se sont désolidarisés des propos de Lula, montrant ainsi que sur des questions aussi fondamentales que la démocratie et les droits de l’homme, l’unité régionale n’était pas au rendez-vous.

Depuis sa réélection, Lula a adopté une série de positions diplomatiques allant à l’encontre de celles des pays occidentaux et notamment des Etats-Unis. Dans une logique de “blocs”, il a apporté en six mois, son soutien plus ou moins explicite à la Chine, la Russie et au Venezuela.

Alors que sur le plan national il est contraint de négocier avec l’opposition, Lula est plus libre de ses propos sur la scène internationale et redouble d’efforts pour réaffirmer le rôle global du Brésil sur tous les sujets diplomatiques. Le président brésilien semble considérer que placer le Brésil en opposition à l’Occident est le meilleur moyen d’y parvenir.

C’est notamment via le groupe des BRICS que Lula souhaite renforcer la position du Brésil. Une réunion ministérielle des BRICS s’est d’ailleurs déroulée aujourd’hui, visant à préparer un sommet à Johannesburg en août. Le bloc envisage l’intégration de nouveaux membres et souhaiterait devenir une alternative et un contrepoids à l’Occident.

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