Paraguay : victoire de Santiago Peña à l'élection présidentielle

Le candidat conservateur du parti Colorado a remporté facilement l'élection présidentielle, écartant l'hypothèse d'une rupture des relations commerciales avec Taïwan.

Santiago Pena du parti Colorado après avoir remporté l'élection présidentielle du Paraguay le 30 avril 2023. REUTERS/Agustin Marcarian

Les élections présidentielles et législatives ont eu lieu au Paraguay ce dimanche 30 avril 2023, avec une participation de plus de 63 % de la population. Le candidat du Parti conservateur au pouvoir, Santiago Peña, a remporté les élections présidentielles avec 43% des voix, battant le candidat de l'opposition, Efraín Alegre, qui a obtenu 27% des voix. Une victoire bien plus large que prévue pour le candidat du parti historique Colorado, alors que les sondages annonçaient un scrutin serré.

Le Parti Colorado a également remporté une majorité de sièges au Parlement (41 sièges sur 80) et au Sénat (17 sièges sur 45).

L’élection de Santiago Peña marque un arrêt au phénomène de “dégagisme” en Amérique latine, alors que les 16 dernières élections présidentielles dans la région s’étaient conclues par la défaite du parti du président sortant.

Santiago Peña, 44 ans, était le candidat de l’establishment politique du parti Colorado, au pouvoir depuis 76 ans quasiment sans interruption. Ancien économiste au FMI puis ministre des Finances du président Horacio Cartes entre 2015 et 2017, il avait été “adoubé” par la machine politique du parti Colorado et par le président sortant Mario Abdo Benitez.

Peña est considéré comme un conservateur pragmatique. Il a promis de poursuivre les politiques économiques de son prédécesseur et de renforcer les liens commerciaux avec les pays voisins, tout en réduisant la pauvreté et en investissant dans l’éducation et la santé. Il est néanmoins contre l’avortement et le mariage pour tous, tout comme son principal rival Efraín Alegre, dans un pays à 90% catholique.

Face à Santiago Peña, l’opposition s’était constituée autour d’une coalition de gauche menée par Efraín Alegre, déjà candidat aux deux élections précédentes. L’opposition espérait pouvoir renverser le parti Colorado, qui est de plus en plus critiqué. Le mandat du président Mario Abdo Benitez a en effet été marqué par une aggravation de la pauvreté et les carences des systèmes de santé et d’éducation suite à la pandémie du Covid-19. De plus, l’entourage du président et plusieurs dirigeants du parti Colorado ont été visés par des accusations de corruption et se sont vus imposés des sanctions financières par les Etats-Unis.

Dans ce contexte, la plupart des analystes laissaient entendre que le parti Colorado pourrait être sanctionné dans les urnes lors de ces élections générales. Or, les Paraguayens ont semble-t-il privilégié la sécurité plutôt que l’inconnu.

Efraín Alegre a reconnu sa défaite dès le soir des élections. Cependant, ses partisans ont organisé des manifestations dans la capitale, Asunción, pour demander un recomptage des voix, dénonçant des irrégularités lors des élections.

L'Organisation des États américains (OEA), observatrice des élections, et les autorités locales ont rejeté ces accusations, affirmant que le scrutin s’était déroulé de façon libre et équitable.

Ces élections étaient également importantes pour l’avenir des relations diplomatiques du Paraguay avec Taïwan. Le Paraguay est l’un des 13 pays dans le monde qui reconnaît l’indépendance de Taïwan et qui maintient des relations commerciales avec ce pays. Le candidat de l’opposition, Efraín Alegre, avait quant à lui promis de rétablir les relations diplomatiques avec la Chine continentale. Santiago Peña a déclaré qu'il continuerait à soutenir Taïwan. Le gouvernement taïwanais a exprimé sa satisfaction, affirmant que les relations bilatérales entre les deux pays continueraient à se renforcer sous la présidence de Santiago Peña.

Malgré sa large victoire, le nouveau président du Paraguay, qui prendra officiellement ses fonctions le 15 août, devra faire face à de nombreux défis. Le déficit public et la dette se sont fortement détériorés ces cinq dernières années, alors que le pays est en manque d’investissements. Le président devra également répondre à la colère du secteur agricole paraguayen, qui demande l’ouverture des relations commerciales avec la Chine.

Le Paraguay doit diversifier ses relations commerciales et le débat sur Taïwan divise même dans les rangs du Parti Colorado. Le président sortant Benitez a demandé au gouvernement taïwanais des investissements conséquents dans les infrastructures, qui tardent à se matérialiser.

Si il a promis de lutter contre la corruption, Santiago Peña devra également se défaire de son image de protégé d’Horacio Cartes, ancien président entre 2013 et 2018 et désormais président du Parti Colorado. En 2017, Cartes avait souhaité changé la Constitution afin de pouvoir briguer un second mandat. En janvier dernier, il était visé par des sanctions financières de la part du Trésor américain, qui évoquait “une corruption endémique qui sape les institutions démocratiques”.