Mexique : manifestations contre la réforme de l'INE

La réforme constitutionnelle souhaitée par AMLO est perçue comme une nouvelle attaque du président contre la démocratie mexicaine.

Ce dimanche 13 novembre, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté au Mexique pour protester contre une réforme de l’Institut électoral national (INE) souhaitée par le président Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO). L’ampleur historique des rassemblements, qui se sont déroulés dans une douzaine de villes mexicaines, souligne à quel point la réforme proposée par le président mexicain est controversée.

Celle-ci vise en effet à remplacer l’INE par une nouvelle autorité électorale et conférer un rôle au pouvoir exécutif dans la composition de cette organisme. Actuellement, les membres de l’INE sont présélectionnés par un panel indépendant et nommés par le Sénat (pour les conseillers électoraux) ou par la Cour Suprême (pour les juges électoraux).

La réforme d’AMLO prévoit que le président de la république puisse contribuer à la présélection des membres de cette nouvelle autorité électorale et qu’ils soient élus par vote populaire. Le projet de réforme vise aussi à supprimer les autorités électorales au niveau des Etats mexicains et à réduire le nombre de députés et de sénateurs ainsi que le montant des subventions publiques attribuées aux partis politiques.

Malgré les protestations, le président mexicain a défendu son projet de réforme, estimant qu’il visait à améliorer le processus démocratique et a baissé les coûts d’organisation des élections au Mexique. AMLO doit présenter cette révision constitutionnelle devant le Congrès mexicain d’ici la fin de l’année et devra obtenir une majorité aux deux tiers pour la faire passer. Un scénario qui paraît peu probable au vu de la répartition politique dans les deux chambres et des manifestations de ce dimanche.

Dans un récent sondage mené par le journal Reforma, 53% des personnes interrogées estiment que l’INE fonctionne correctement et 80% déclarent que le rôle de cet Institut est important pour la consolidation de la démocratie au Mexique.

Depuis le début de son mandat, AMLO a déjà réduit les financement attribués à l’INE et a critiqué à plusieurs reprises la gouvernance de cette entité. Lorenzo Cordova, directeur de l’INE, a déclaré dimanche que le projet de réforme du président mexicain constituait “une attaque directe contre l’indépendance du système électoral mexicain et la démocratie dans le pays”.

Selon certains observateurs, ce projet de réforme permettrait au parti présidentiel Morena de mettre la main sur la gouvernance des autorités électorales, alors que les prochaines élections présidentielles auront lieu en 2024. En cela, il représente une nouvelle étape dans la dégradation des conditions démocratiques dans le pays à laquelle s’est livrée AMLO depuis le début de son mandat. Son discours populiste et son interventionnisme dans différentes institutions politiques et secteurs économiques ont affecté la séparation des pouvoirs au Mexique. Le président mexicain a récemment fait passer une réforme, déjà très contestée, qui prévoit de renforcer le rôle de l’armée (et d’écarter la Police) au sein de la Guarda Nacional, chargée notamment d’assurer la sécurité des infrastructures du pays et de lutter contre le crime organisé. En 2021, AMLO avait déjà décidé de placer le contrôle des Douanes sous la responsabilité de l’armée.

Accusé de vouloir militariser le pays et de prendre le contrôle des institutions politiques au Mexique, AMLO ne pourra cependant pas se représenter à sa réélection en 2024 puisque la Constitution mexicaine interdit à un président de réaliser plus d’un mandat. Il pourrait néanmoins tenter de placer un de ses proches afin que son parti Morena conserve une influence importante dans les institutions mexicaines. Un fonctionnement qui rappellerait alors celui du PRI, resté au pouvoir pendant 70 ans entre 1930 et 2000.