En Chine, Lula cherche une alliance stratégique

En visite en Chine, le président brésilien souhaite renforcer ses liens diplomatiques et économiques avec Pékin tout en réaffirmant la position du Brésil sur la scène internationale.

Le président Xi Jinping lors d'un événement bilatéral entre le Brésil et la Chine lors du sommet des BRICS à Brasilia, en novembre 2019. (Image : Ueslei Marcelino / Alamy)

Depuis sa réélection en octobre, Lula a souhaité réaffirmer le leadership régional du Brésil sur les enjeux politiques, environnementaux et commerciaux, mais aussi son rôle de représentant des pays du Sud sur la scène internationale. La visite officielle du président brésilien en Chine, du 11 au 15 avril, doit lui permettre d’asseoir un peu plus cette autorité.

La guerre en Ukraine est un des sujets qui sera abordé entre Lula et Xi Jinping. Sur ce point, les deux chefs d’Etat affichent une vision commune. Malgré les appels du pied de Washington et de l’Europe pour que le Brésil s’engage clairement en faveur de l’Ukraine, Lula n’a pas souhaité s’aligner sur cette position. Tout en condamnant l’agression russe, il défend une stratégie alternative de résolution du conflit qui consisterait à négocier un terrain d’entente entre les deux pays. Une position partagée par de nombreux pays du Sud ainsi que par la Chine. Cette solution est cependant controversée puisqu’elle insinue que l’Ukraine devrait accepter la perte d’une partie de son territoire pour obtenir un accord de paix. Après un contact récent avec Vladimir Poutine, la diplomatie brésilienne souhaiterait concrétiser cette initiative et l’appui de la Chine pourrait être déterminant.

Lula et Xi Jinping souhaitent également profiter de cette visite pour repenser les contours de l’alliance BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), affaiblie par l’agression russe en Ukraine. Les deux dirigeants veulent renforcer cette initiative comme une alternative au modèle occidental et pourraient évoquer l’élargissement de ce groupe de pays, déjà mentionné à l’automne dernier. De plus, la visite de Lula est l’opportunité pour Pékin de montrer qu’après presque trois ans d’isolation due au Covid-19, le pays est prêt à reprendre un leadership parmi les pays en développement, avec à ses côtés le Brésil comme porte-parole du “Sud global”.

Depuis une vingtaine d’années, la Chine et le Brésil ont développé des relations commerciales significatives. La Chine est devenu le principal partenaire commercial du Brésil depuis 2009 et représente aujourd’hui 30% des exportations brésiliennes, principalement des matières premières et agricoles : minerai de fer, pétrole, soja, viande bovine et poulet). Là aussi les deux pays cherchent à diversifier leur coopération, notamment dans les secteurs de l'aérospatiale, de l'énergie, de l'agriculture et des infrastructures. Une vingtaine d’accords commerciaux ont déjà été négociés en amont de la visite de Lula et le président brésilien, qui est accompagné d’une délégation de 200 chefs d’entreprises, pourrait également conclure la vente de 20 avions Embraer à une compagnie aérienne chinoise. De leur côté, les entreprises technologiques chinoises comme Huawei et ZTE s’intéressent de plus en plus au marché brésilien alors que leur accès aux marchés américain et européen est soumis à des sanctions ou d’importantes taxes. La relation entre Pékin et Brasilia pourrait aller encore plus loin si le Brésil venait à accepter d’intégrer l’initiative globale des “Nouvelles routes de la soie” de la Chine.

Le Brésil a une belle relation avec la Chine. Ensemble, nous faisons partie des BRICS. C'est notre principal partenaire commercial. Et nous allons essayer de vendre plus de choses que nous produisons pour eux. Renforçons cette relation.

Compte Twitter de Lula, 11 avril 2023

Signe du rapprochement des deux pays, la Chine et le Brésil ont conclu un accord fin mars pour commercer dans leurs monnaies locales et non plus en dollars américains. Les échanges commerciaux se feront donc en reais ou en yuans. Une décision qui devrait faciliter le commerce entre les deux pays. La Chine a déjà signé des accords similaires avec la Russie, l’Arabie Saoudite et le Japon. Certains observateurs se demandent s’il ne s’agit pas d’un pas de plus vers la création d’une monnaie unique pour les pays membres des BRICS.

La visite de Lula à Pékin pourrait donc s’avérer décisive pour l’avenir des relations entre les deux pays mais aussi pour leur place sur la scène internationale. Le Brésil et la Chine ont l’opportunité de bâtir une alternative concrète au modèle occidental.